#1 Le Rouge : Son histoire

Pour cette nouvelle série d’articles sur le thème de la couleur, j’ai décidé de vous parler du Rouge. Symboliquement très puissante, la couleur Rouge n’arrive qu’en 3e position des couleurs préférées des européens occidentaux, depuis la fin du XIXe siècle, derrière le Bleu et le Vert, et ce peu importe le genre des personnes interrogées. A l’inverse du Bleu, qui est une couleur mal-aimée à ses origines (voir mon article, Bleu : Son histoire), le Rouge est tout d’abord, la couleur modèle par excellence, une des première que l’Homme saura apprivoiser. Cet attrait est confirmé par la linguistique : En latin, un même terme s’utilise pour désigner la couleur « rouge » ou quelque chose de « coloré ». Dans les langues slaves, il est même synonyme de « beau ». Pourtant, cette place de choix ne lui sera pas toujours réservée. Le goût pour cette couleur déclinera au fil des siècles.

Depuis la préhistoire déjà, elle est la couleur que l’Homme maitrise le mieux et le plus rapidement, tant dans le domaine de la Peinture que dans celui de la Teinture. L’étude des grottes préhistoriques a révélé la présence de différents types de pigments et donc de plusieurs types de manipulations pour obtenir du Rouge. Il est donc déjà question de nuancer cette teinte, ce qui témoigne de sa grande valeur. Par ailleurs, s’il arrive de trouver de l’Ocre Jaune et du Noir sur ces représentations primitives, le Rouge reste largement prédominant. A cette époque déjà, le Rouge sert à embellir, protéger et souligner le pouvoir, autant de fonctions qu’il est intéressant de garder en tête, tant elles seront réinvesties par la suite.

En teinturerie, ce sont les racines de Garance qui permettent en premier lieu de colorer les étoffes en rouge. L’utilisation de cette plante tinctoriale donnant du Rouge est repérée dès l’époque Néolithique. Cette méthode se généralise jusqu’à l’apparition des colorants de synthèse aux XVIIIe et XIXe siècles. Dans l’Antiquité, l’intérêt pour cette couleur grandissant, les techniques pour teindre en rouge se diversifient. Le rouge se nuance et multiplier les pigments devient une pratique courante. On utilise alors, en plus de la Garance, la Pourpre, obtenue par le broyât de coquillages, le Kermès, un pigment très couteux fabriqué à base de cochenilles, ou certains bois rouge importés.

La véritable naissance de la symbolique du Rouge nait au Moyen-Âge, avec la diffusion du Christianisme. Le Rouge est alors catégorisé selon deux référents : le Feu et le Sang, eux-mêmes divisés en Bon ou Mauvais Feu et Bon ou Mauvais Sang. Le Bon Sang symbolise le sang du Christ, salvateur, alors que le Mauvais Sang représente les crimes de sang, la violence. Le Bon Feu évoque l’Esprit Saint, le feu régénérateur, et le Mauvais Feu désigne évidemment, les flammes de l’Enfer. Nait alors une vraie dualité du Rouge, qui se montre aussi puissant dans ses bons aspects que dans ses mauvais. Commencerait-il déjà à perdre de son panache ?

Le Rouge devient rapidement un symbole de pouvoir. Les Papes se parent de rouge, tout comme les Cardinaux plus tardivement. En Occident, le rouge est la couleur de la Noblesse et des Rois. Sous l’Empire, seul l’Empereur a le monopole de la tenue entièrement rouge. La peine de mort est d’ailleurs ordonnée pour tous ceux qui ne respecteraient pas ce privilège. Charlemagne est, pour ces raisons, souvent représenté portant du Rouge. De même pour Napoléon, des siècles plus tard.

En bon français à l’esprit de contradiction, le Roi de France prendra le contre-pied en choisissant le Bleu ! Tout autant que pour ses armoiries pour lesquelles il choisira la fleur de Lys là où tous les autres rois d’Occident choisiront un animal. Parce que le Roi de France est unique, il ne fait pas comme les autres !

A la fin du Moyen-Age, le Rouge se discrédite en devenant la couleur associée à 4 des 7 pêchers capitaux : L’orgueil, la colère, la luxure et la goinfrerie (gourmandise étant un terme trop faible). Pour information, le Vert sera associé à l’Avarice, le Jaune à l’Envie et le Blanc à la Paresse. Vous remarquerez que le Bleu s’en sort bien dans l’histoire. Mais c’est un coup dur pour le Rouge qui devient officiellement une couleur dangereuse.

Cette même période est le témoin de rivalités entre les Teinturiers du Rouge, grands favoris de l’époque Antique, et les Teinturiers du Bleu, qui en quelques générations ont appris à fabriquer de belles étoffes bleutées. Les Marchands de produits pour teindre en Rouge s’offusquent de la montée du Bleu et une véritable concurrence s’établit entre les deux couleurs. L’industrie drapière se spécialise. On divise ainsi les lieux de production pour que même géographiquement, les deux couleurs s’opposent. On ne teint pas en Rouge au même endroit que l’on teint en Bleu.

C’est au XVIe siècle que le Rouge s’effondre avec en premier lieu, les Réformes Protestantes et leur classement des couleurs honnêtes et déshonnêtes. Vous l’aurez peut-être deviné, mais le Rouge se retrouve dans la mauvaise catégorie, jugé trop voyant. Porter du Rouge devient alors très mal vu. Et quand je dis très mal vu, c’est un euphémisme puisque se faire remarquer en s’habillant en Rouge sera considéré comme une offense à Dieu, une offense aux autres et surtout comme un désordre social qui mènera directement au bûcher ! Les bourreaux porterons d’ailleurs toujours une pièce rouge dans leur tenue, souvent comme couvre-chef. Difficile d’apprécier cette couleur dans ces conditions!

Enfin c’est au tour de la science d’achever la couleur Rouge avec les découvertes de Newton et de la décomposition de la lumière blanche. Il propose une nouvelle catégorisation ordonnée des couleurs qui place le Rouge sur une des extrémités, relégué en marge. Le Rouge était pourtant, jusqu’alors, placé au centre de l’ordre chromatique officiel décrit par Aristote. Imaginez la perte de considération !

Aujourd’hui, la couleur rouge regagne une 3e place sur le podium des couleurs préférées mais nous gardons quelques séquelles de son histoire. Peut-être avez-vous déjà pensé qu’une personne habillée en rouge voulait attirer l’attention et se faire remarquer, plus qu’avec une autre couleur ? Dans la nature, si vous rencontrez un élément rouge que vous ne connaissez pas, n’allez-vous pas vous méfier davantage ? Réminiscence du fruit défendu et des tentations induites par le rouge ou conditionnement, presque primitif, de l’être humain à se méfier de cette couleur ?

Bibliographie :
  • Conférence autour du livre  » Rouge – Histoire d’une couleur «  – Michel PASTOUREAU – 27/01/2017  à Saint-Brieuc
  • L’étonnant pouvoir des couleurs – Jean-Gabriel CAUSSE – 2014
Image de Lise-Pauline Henry

Lise-Pauline Henry

Fondatrice de l’agence d’architecture d’intérieur et de décoration Tadaima Concept, je suis diplômée d’Etat en Architecture et titulaire d’une Maitrise en Arts Plastiques. Créative pure souche, j’aime dessiner, coudre, jardiner, bricoler, voyager… m’inspirer de ce qui m’entoure pour enrichir mes projets et partager avec vous tous mes secrets !

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