Couleur préférée de la plupart d’entre nous, loin devant toutes les autres, le bleu est la couleur consensuelle par excellence. Pourtant ce n’a pas été toujours le cas. Dans l’Antiquité, elle est une couleur mal aimée, une non-couleur qui n’a peu, voir pas, de mot pour la qualifier. Fait étonnant, le ciel n’est pas représenté avec du bleu à cette époque. Il est orangé, violacé, gris ou blanc mais jamais bleu. Plus tard, il sera même associé aux ennemis et attisera la peur. Difficile à croire, n’est-ce-pas ?
Ce n’est qu’au Moyen Age que le bleu gagne ses lettres de noblesse. C’est d’ailleurs littéralement le cas, puisqu’après avoir été associé à la Vierge Marie (puis aux femmes en général), il devient l’apanage des Rois. C’est également à cette époque qu’il devient la couleur du ciel, permettant de distinguer le monde céleste du monde terrestre dans les représentations.
Sur le plan vestimentaire, à partir des XIIe et XIIIe siècle, les teinturiers se voient soumis à une demande toujours plus forte pour réaliser de belles étoffes bleutées, notamment grâce à la Guède, plante tinctoriale permettant la création de ce coloris. Aussi nommée Pastel des Teinturiers, elle présente étonnement des fleurs… jaunes!
Au XVIIIe siècle, une nouvelle révolution chromatique s’opère, dans le cadre des réformes protestantes. Le bleu est classé dans la catégorie des couleurs honnêtes, avec le Gris, le Blanc et le Noir, en opposition avec les couleurs déshonnêtes (couleurs vives : Rouge, Vert, Jaune). Le bleu devient plus que jamais une couleur qu’il est de bon ton de porter sur soi. Il devient un basique que tout le monde adopte, hommes comme femmes.
Autre raison de cet engouement pour le bleu : la découverte de nouveaux pigments. Celle du Bleu de Prusse d’abord, que l’on doit à un pharmacien qui cherchait à recréer synthétiquement la couleur Rouge. Loupé! Puis, la découverte d’un pigment des Amériques, plus riche en agents colorants, et qui s’avère bien moins cher à fabriquer que celui d’Europe. Evidemment, puisque l’on fait travailler des esclaves pour cela.
Toujours est-il que les colorations azur envahissent la production. Inspirés par cette diffusion fulgurante, les artistes célèbrent le bleu dès la fin du XVIIIe siècle. Il devient alors le symbole du rêve, du lointain et de la mélancolie (symbolique reprise plus tard en musique avec l’apparition du Blues…)
Et si cela nous parait aujourd’hui évident, ce n’est qu’à cette époque que le bleu devient la couleur de l’eau, auparavant toujours associée au vert. Ce sont les cartographes de cette période, embêtés par la confusion entre les océans et les forêts, qui décident de donner cette couleur aux étendues d’eau qu’ils représentent. Tout aussi étonnant, la couleur bleue prend sa place au sein des nuances froides, pourtant considérée comme chaude jusqu’alors.
Si votre couleur préférée est le bleu, vous êtes comme près de 50% d’entre nous, et ce depuis au moins 150 ans. Les premiers sondages à ce sujet, datant des années 1880, placent déjà le bleu en première position.
Quant au fait de distinguer le bleu pour les garçons, du rose pour les filles, il s’agit d’un fait extrêmement récent dans l’Histoire. Il faut attendre la fin de la 2nde Guerre Mondiale et notamment la naissance du marketing pour constater cette distinction jusqu’alors timide voir inexistante. Il n’est d’ailleurs pas rare, avant cette date, de voir les garçons porter du rouge ou du rose et les filles porter du bleu, couleur longtemps associée à la féminité. Mais le temps de la surconsommation pointe le bout de son museau et il faut trouver des astuces pour pousser les gens à acheter. Si une famille accueille une petite fille à la suite d’un petit garçon, quelle raison pourrait les amener à racheter des biberons, vêtements ou autres jouets bien qu’ils aient déjà tout en leur possession…? Je vous laisse deviner!
Il est amusant de constater que tout ce qui nous parait aujourd’hui acquis en matière de couleur est en réalité le résultat de conventions sociétales qui ont pris leur temps pour s’installer, pour être aujourd’hui, bien ancrées dans la conscience collective.
Cet article vous a plus? Sachez que ce n’est que le début. Chaque semaine, je décortiquerai pour vous l’histoire et la symbolique des couleurs, mais aussi leur place dans la décoration. Je finirai chaque série par un guide shopping. Ne manquez pas la publication de la partie 2 dans une semaine!
- Conférence Histoire et symbolique du bleu – Michel PASTOUREAU – 03/04/2015 – Forum des images (Paris)
- L’étonnant pouvoir des couleurs – Jean-Gabriel CAUSSE – 2014
- Décobox – Couleurs et bien-être. L’énergie des couleurs et les bonnes associations pour réinventer votre intérieur – Sophie MOUTON-BRISSE – 2017