#1 Le Blanc : Son Histoire

Après avoir traité les couleurs primaires (Bleu, Rouge et Jaune), puis les couleurs secondaires (Vert, Orange, Violet) – que vous pouvez retrouver dans ces articles -, je vous propose aujourd’hui d’aborder les couleurs neutres en commençant par le Blanc. De nos jours, le Blanc peine à trouver sa place en tant que couleur à part entière. Au contraire, il évoque le vide, la pureté. Il est une sorte de non couleur qui n’existe que par l’absence des autres. Considéré même comme une nuance plutôt qu’une couleur, il servirait seulement à éclaircir les autres teintes. Si bien qu’il est quasi inexistant des sondages sur les couleurs préférées. Ni adoré, ni détesté, pire il laisse indifférent. Au fil des siècles pourtant, le Blanc fait partie intégrante des classements de couleurs dites « de base » et joue un rôle important à plusieurs égards. Je vous laisse découvrir son Histoire…

Dans l’Antiquité, la sensibilité au Blanc est plutôt bien développée. Il existe 2 termes latins pour le désigner : Albus* est le Blanc mat, le plus courant. Candidus désigne un Blanc éclatant, d’une grande qualité. Albus a de fait, un petit côté péjoratif alors que Candidus est l’apparat des hommes importants : il donnera le mot Candidat en français, celui qui brille et se fait remarquer. Un héritage direct des toges antiques d’un blanc étincelant portées par les candidats aux élections de la République Romaine.

*Avis aux amateurs de l’univers d’Harry Potter : vous comprenez pourquoi Albus Dumbledore porte ce nom-là…

Même s’il se distingue par la richesse de son vocabulaire (Rappelons que l’Orange n’a pas eu de mot pour le désigner avant le XVIe siècle !), en teinture comme en peinture, le Blanc est très difficile à fabriquer.

En Peinture, on utilise les poudres de craies ou de gypse, mais aussi des pigments à base de plomb. Tout comme le Vert de gris (Voir Article sur l’Histoire du Vert), ces derniers sont des produits qui peuvent altérer les autres couleurs et qui sont surtout hautement toxiques. C’est le cas de la Céruse (pigment à base de Carbonate de Plomb) qui outre sa tendance à jaunir au contact de l’air ou à noircir au contact du souffre, est extrêmement dangereux. Sa toxicité, bien que connue depuis l’Antiquité, ne l’empêchera pas d’être produite en grande quantité pour la fabrication de peinture mais aussi de fards cosmétiques. Son procédé de fabrication aisé le rend accessible au plus grand nombre et ce durant plusieurs siècles. A l’origine de nombreux cas de saturnisme du fait de sa teneur en plomb, sa popularité rendra pourtant difficile son remplacement par des produits moins dangereux.

Pour obtenir du blanc, d’autres mélanges existent, notamment pour les peintures murales. Des pigments à base de plâtre permettent non seulement de créer du Blanc mais aussi d’accélérer le séchage. Pour cette raison, le plâtre sera beaucoup utilisé en mélange avec d’autres couleur pour cette propriété de séchage rapide mais aussi pour épaissir les mélanges.

Si la peinture blanche est difficile à fabriquer, teindre un tissu en Blanc n’est pas non plus une mince affaire ! Les techniques sont multiples mais doivent s’adapter aux fibres textiles à teinter. Celles-ci ne réagissent pas de manière équivalente selon le procédé utilisé. Le principal problème étant le jaunissement des étoffes, qui leur confère un aspect salit qui fait mauvais genre. Il existe divers mélanges à base de craie, de plantes tinctoriales (saponaires) ou d’argiles. Il est aussi courant d’employer la technique du blanchiment sur le pré, qui consiste à étaler d’immenses surfaces de tissus dans des champs pour les laisser s’éclaircit au soleil. Toutefois, le résultat de ce procédé reste incertain puisqu’il dépend bien entendu de la météo, mais aussi de la quantité et la qualité de la rosée du matin. Finalement, le blanchiment ne tient que quelques semaines avant de jaunir. Quand je vous dis que ce n’est pas une mince affaire !

Fait étonnant, dans l’Antiquité, les toges des « candidats » se devaient d’être d’un blanc éclatant comme son nom l’indique. Pour ce faire, l’urine des toilettes publiques étaient réutilisée pour servir d’agent blanchisseur grâce à l’ammoniaque qu’elle contient. Plus incroyable encore, cette urine était également utilisée en bain de bouche pour blanchir… les dents ! Vous ne regarderez plus votre bain de bouche de la même manière après avoir lu cela !

Au Moyen-Âge, les tissus à blanchir peuvent aussi être placés dans des bains de soufre. Mais là encore, la technique n’est pas évidente puisqu’il faut maitriser à la perfection de temps de trempage : un bain trop cours rendra le tissu jaune, un bain trop long attaquera carrément les fibres laissant des trous dans le tissu. Il faudra attendre le début du XIXe siècle pour voir l’apparition des pigments blancs de synthèse. Obtenus avec du zinc ou du titane, ils seront à ce moment-là beaucoup plus stables.

À cause de ces difficultés à rendre les tissus blancs, les plus belles teintures seront réservées, vous l’aurez deviné, à la haute société. Ce qui est rare est cher, et ce qui est cher n’est accessible qu’aux plus puissants, nous le savons. Le blanc éclatant sera donc l’apanage des plus grands. Dans mes précédents articles, j’avais évoqué le Violet comme marque de pouvoir. Sachez que le Blanc le surpasse. Dans le milieu chrétien – car c’est bien celui-ci qui impactera lourdement notre perception des couleurs – le Violet est la couleur des évêques et de la cour papale dans son ensemble en tant que marque de pouvoir. Le Blanc est celle du Pape en personne. Avec le Blanc, on touche au divin.

couleurs. Il forme avec le Noir et le Rouge, un trio fondateur. Ces trois couleurs sont omniprésentes dans les textes anciens, notamment dans les contes : Le Petit Chaperon Rouge porte du beurre Blanc et rencontre un loup Noir. Blanche Neige mange une pomme Rouge empoisonnée par une reine Noire… Ce trio de choc est aussi présent dans des œuvres littéraires marquantes, comme le Conte du Graal ou les Fables de La Fontaine entre autres. Chaque couleur est renforcée par la présence des deux autres, créant une puissante synergie.

Si ces 3 couleurs sont intimement liées, le Blanc n’est pas encore considéré comme le contraire du Noir, mais plutôt celui du Rouge. D’ailleurs, lorsque les jeux d’échecs sont introduits en Europe, ils sont Rouge et Noir car ils viennent d’Asie où ce couple de couleur constitue une opposition. Au contraire en Occident, cette association ne correspond pas à une opposition sur laquelle tout le monde s’accorde. Une des deux couleurs est alors modifiée : Le Rouge est conservé mais le Noir est remplacé par le Blanc. C’est alors que les échiquiers anciens arborent des pièces et un damier opposant le camp Rouge au camp Blanc.

Le Blanc ne devient le contraire du Noir qu’au milieu du XVe siècle avec l’invention de l’imprimerie. Le support blanc du papier s’uniformise et devient le « vide » qui n’est pas recouvert par l’encre noire. Avant cette période, le vide ou l’incolore n’est pas représenté par du Blanc, puisque rappelons-le, le Blanc EST une couleur. L’absence de couleur correspond tout simplement à une absence de matière colorante (la peinture notamment), prenant donc la couleur du support (beige du parchemin par exemple).

Au XVIIe siècle, peintres et savants s’associent pour définir le nombre de couleurs nécessaires à la fabrication de toutes les autres. Le verdict est encore valable aujourd’hui : il en faut 5 : Rouge, Jaune, Bleu, Noir et Blanc. Mais c’est sans compter les travaux de Newton sur le spectre de la lumière blanche. Son classement des couleurs évince le Blanc (et le Noir) dévoilant que la lumière blanche contient toutes les autres couleurs. Le Blanc n’est alors plus sur le même plan que les autres teintes. Dans son classement, il ne gardera alors que 3 couleurs primaires : Le Bleu, le Rouge et le Jaune.

Au XVIIIe siècle, le goût pour la mode Antique se développe mais se base sur une fausse idée de cette période de l’Histoire : On imagine la Rome Antique baignée d’un blanc pur, où les bâtiments seraient blancs, à l’intérieur comme à l’extérieur, et les vêtements des citoyens d’un blanc éclatant. Cette idée est largement diffusée si bien que le Blanc retrouve une place majeure dans les modes de vie. Mais cette fois, on l’oppose à la polychromie. Le Blanc, qui n’est plus une couleur, est pur et noble, alors que les couleurs sont considérées comme impures et réservées aux barbares. Les teinturiers se voient alors contraints de développer leur procédé de coloration blanche des tissus, participant à l’essor de la mode blanche.

C’est à cette période également que les robes de mariées deviennent blanches. Le Blanc, déjà associé à la pureté, notamment à travers la symbolique des pelages et plumages d’animaux (hermine, colombe, agneau…), est alors associé à la féminité et par extension à la virginité des futures mariées. Avant cela, elles sont… Rouge, la plupart du temps. La raison est simple, les teintures rouges sont les plus simples à réaliser et ce dans une qualité satisfaite. C’est alors que le jour de son mariage, on revêt simplement sa plus belle robe, la plus éclatante, et elle est souvent Rouge.

Au-delà de cette idée de pureté, le Blanc a une multitude de symboliques que nous allons aborder dans mon prochain article. Alors un peu de patience vous en saurez plus la semaine prochaine !

Bibliographie :

Michel PASTOUREAU, Conférence : Le Blanc, Histoire d’une couleur, Fondation de l’Hermitage, Lausanne, 27/02/2020

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Lise-Pauline Henry

Fondatrice de l’agence d’architecture d’intérieur et de décoration Tadaima Concept, je suis diplômée d’Etat en Architecture et titulaire d’une Maitrise en Arts Plastiques. Créative pure souche, j’aime dessiner, coudre, jardiner, bricoler, voyager… m’inspirer de ce qui m’entoure pour enrichir mes projets et partager avec vous tous mes secrets !

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